TE SOUVIENS-TU DE CE JARDIN?..
Te souviens-tu de ce jardin, au fond d’un chemin étroit, entre deux maisons ? La grille a fait « clic », une vieille grille râpeuse. Nous sommes entrés en étrangers, étonnés, déconcertés, un peu perdus d’être là par hasard, de flâner à deux pas de la rue bruyante comme une ruche.
Le panneau « Jardin public », discret et délavé nous y invitait et nous avons trouvé l’allée rectiligne, la pelouse lustrée, ce banc, tu te rappelles, où siégeait un chat benoîtement couché mais si ostensiblement président des lieux que la vieille dame habituée nous dit : « C’est sa place ! » d’un air déférent et approbateur.
Ce jardin ! Il avait une tonnelle fleurie, des escaliers de marbre gris, une petite fontaine et des oiseaux mouillés qui s’ébrouaient sur le bord.
Un solitaire lisait son journal, une maman chantonnait, berçant la voiturette où s’endormait un bébé chapeauté. Non, nous n’étions pas des intrus, plutôt des invités. Le jardin nous recevait avec bienveillance, caché aux yeux distraits, ouvert aux chanceux qui le devinaient, car il ne faisait pas de réclame.
Ce jardin, t’en souviens-tu ? Tu me tenais la main…
Là où tu es parti pour toujours, de l’autre côté du miroir, là où seule ma voix peut t’atteindre, ce jardin, dis, t’en souviens-tu ?
LORRAINE