MON PLUS ANCIEN SOUVENIR...
Il fait beau, je pense que c’est l’été, j’ai environ deux ans, je suis dans mon lit-cage. Maman d’habitude est toujours là, jamais elle ne me quitte. Mais ce soir-là, que se passe-t-il?
Ce dont je me souviens? Je grimpe du berceau au lit de mes parents, m’accrochant aux couvertures, je rampe jusqu’à la table installée devant la fenêtre entr’ouverte. Je sais aussi que je pleure beaucoup tout en me dirigeant pour voir dehors...
J' aperçois Madame Mariette devant son magasin, derrière son étal de tissus installé sur le
trottoir. Une Madame Mariette qui met ses mains sur ses oreilles en me regardant et me fait des signes impérieux, éperdus. Ai-je compris ce qu’elle veut ? Ai-je obéi parce que j’étais une bonne petite fille ? Tout se brouille dans ma mémoire. On m’a raconté la suite.
Madame Mariette s’est précipitée vers la droguerie voisine où elle avait vu entrer maman, qui alertée, est revenue folle de peur. Moi, j’étais retournée dans mon lit, par le même chemin je suppose, et quand elle arriva, je dormais profondément... Le napperon sur la table près de la fenêtre était dangereusement tiré et avec lui la lampe à pétrole allumée, qu’on retrouva juste sur le bord...Un centimètre de plus, c’était l’incendie!..
Sans doute en ai-je conçu une inquiétude inconsciente, car très longtemps, jusqu’aux environs de sept ans, je crois, (j’avais ma chambre alors) j’appelais plusieurs fois avant de m’endormir : « Maman, tu es là ? ». Oui, elle était là, elle ne sortit plus jamais le soir même pour une petite course rapide. Et je grandis en paix. Même si, tout au long de ma vie, j'ai appris à dominer les moments d'angoisse qui, peut-être, prirent racine en ce soir d'été qui connut mon premier désespoir!
LORRAINE