MON PERE
La consigne de l’Atelier d’écriture : une illustration montrant un homme assis dans un divan, et à côté de lui, une adolescente posant une main sur son épaule. Nous devions improviser ce que le portrait évoquait pour nous
XXX
Je n’ai pas pu te poser de questions, celles de toute adolescente à son père. Je n’ai pas pu t’entourer de mes bras, ni même poser ma main sur ton épaule Je n’ai pas pu t’aimer vraiment. T’ai-je inventé ? Non. Tu étais là. Si peu de temps ! Assez pour que je connaisse ton visage et ton sourire et aussi le silence qu’on m’imposait pour ne pas troubler ton sommeil.
Je n’ai su de toi qu’une douceur diffuse, des absences aseptisées, des retours épuisés, le lit, le cimetière…
Mes frères et sœur t’appelaient « Père ». Ils étaient des jeunes gens de vingt ans, ils t’adoraient. Moi, je disais « Papa » et tu mettais sur mes cheveux une main de tendresse.
Je ne sais rien de toi, à part ce que les autres m’ont dit. Grandir sans père oblige à devenir forte, pour cette maman écrasée que plus rien n’intéressait. Grandir sans père oblige à vivre sur la pointe des pieds, pour respecter l'immense chagrin; c'est se créer un monde imaginaire, un peu exclu, où l’on bâtit des château de sable, puisqu’on est un peu démunie et maladroite dans la souffrance ambiante. C’est être condamnée à chercher seule les réponses aux interrogations de la vie.
Longtemps, dans la poche de mon manteau d’écolière, j’ai serré dans mon poing la petite poupée que tu m’avais donnée. C’était ma façon aveugle de t’aimer. Personne n’en a rien su.
Et quand maman en pleurs devant mon mutisme de fillette me reprochait : « Tu n’aimes pas ta maman », je ne répondais rien. Elle souffrait dans la démesure. Je souffrais dans l’ignorance.
Je ne t’ai pas idéalisé. J’ai cherché sur tes photos quel homme tu étais. Je t’ai trouvé bon, courageux, une lueur au fond des yeux. J’en ai créé ton image. Et mon souvenir...
LORRAINE
J'ai cherché une illustration qui pouvait évoquer le lien qui unit un père et sa petite fille. J'ai trouvé celle-ci sur le très beau blog "Mes Emotions" (chamade.1000.unblog.fr) et n'y ai trouvé aucune interdiction. Si l'auteur estimait néanmoins que je doive l'enlever, il va de soi que j'ôterai aussitôt ce symbole que mes mots ont tenté d'exprimer.